«Avoir deux filles est la garantie d’une vie de famille heureuse et harmonieuse». Ainsi commençait un article concernant une étude commandée par un site Internet dédié à la parentalité. Au moment où je le découvrais, non sans ironie, j’étais saisie par la violence des débats qui ont entouré l’adoption de la loi sur le mariage pour tous. «Familles harmonieuses» est née dans ce contexte. J’ai regardé, pensé ma propre famille. Je vis en couple avec un homme et nous avons deux filles. Selon l’étude, nous faisons donc partie des familles chanceuses. Je n’ai jamais eu à m’interroger sur la légitimité de notre famille ou de la volonté d’en créer une. J’ai décidé de photographier des couples, chez eux, avec mes filles. J’ai utilisé les codes de la photographie de famille du début du XXe siècle, avec des poses rigides. Je voulais mettre tous ces couples (mixtes, hétérosexuels, homosexuels) sur un pied d’égalité en utilisant les mêmes dispositifs, les mêmes représentations. Le malaise ne vient pas de la constitution des couples mais de la présence des enfants. Après plusieurs images, le spectateur prend conscience que ce sont toujours les mêmes petites filles. J’interroge la véracité des images, finalement quelle famille est réelle ? Enfin, je pense que ce projet est aussi né d’une envie profonde de réduire la distance entre mon rôle de mère et celui d’artiste.